Nelson Mandela

Nelson Mandela est un homme hors du commun par sa capacité à toujours considérer l’ «autre», même dans la lutte radicale qu’il entretenait contre cet autre.

Très souvent, ceux qui mènent une lutte farouche contre un oppresseur continuent au-delà de la victoire, à prolonger leur violence libératrice, lorsque pourtant, elle n’est plus nécessaire, le résultat étant acquis. Cela s’explique par la nécessité de «négativiser» l’ennemi, de le diaboliser, pour justifier la  violence qu’on exerce contre lui, et pour galvaniser les combattants dans leur combat, car cette négation de l’ennemi accroît leur force en les soudant. Il est ensuite très difficile d’abandonner une telle position psychologique, pour ne plus considérer «mauvais» l’ennemi vaincu. La vengeance, les représailles sont la suite logique à cette attitude de combat. Dans ce cas le pays, la société ont du mal à se pacifier.

Dans la lutte ou le combat intervient le mimétisme, où l’ennemi peut être considéré comme un rival ; et cette rivalité mimétique produit un effet de «double», réciproque. C’est à dire qu’au lieu d’être considéré «autre», il est un double de «soi» : on ne se bat pas alors contre un autre, mais contre son double, dans un effet de miroir : c’est une attitude psychologique qui favorise la combativité, mais qui peut facilement perdre de vue l’objectif final ; cette rivalité mimétique peut facilement se détourner vers ses propres alliés que l’on considère à leur tour comme des rivaux haïssables une fois la victoire acquise. Ce comportement est assez fréquent, et il est en général assez difficile de pacifier… les vainqueurs.
Cet effet de «double mimétique» est multiplié par l’appartenance grégaire ; les combattants développent un très fort sentiment d’appartenance à leur cause, à leur groupe, par le risque que leur combat leur fait courir.
Le combat de libération mobilise la violence mimétique rivalitaire, dont il est ensuite difficile de se défaire après la victoire pour instaurer la paix.

Pour échapper à cet effet mimétique, il faut d’abord garder sa propre individualité, indépendante, pour ensuite pouvoir considérer l’autre comme une autre individualité indépendante, et réciproque. Au lieu de la violence mimétique réciproque, c’est la reconnaissance réciproque qui instaure la paix. Et la reconnaissance de l’autre ne peut se faire que sur la base de l’affirmation de soi, de soi émancipé de l’appartenance grégaire qui facilitait le combat.
C’est d’une individualisation qu’il s’agit ; et cette individualisation permet la relation avec l’autre, individualisé aussi.

C’est de cette individualisation autonome, indépendante, non mimétique, que Nelson Mandela a fait montre depuis sa libération, permettant ainsi la reconnaissance de l’autre, permettant donc la relation avec lui ; lui évitant ainsi d’avoir à continuer à se battre après sa défaite. Son attitude permettant à son peuple de s’identifier à lui dans la même position.

Bien-sûr on parle de sa sagesse, de son humanisme, de sa grande valeur humaine… mais le fond de ces qualités, c’est la capacité à rester soi dans une relation de réciprocité avec l’autre, cet autre fut-il son oppresseur. Cette relation réciproque produisant à son tour une identité partagée. L’image que la personnalité de Nelson Mandela diffuse est celle d’un homme libre.

Mandela, lumière du monde
Mandela, lumière du monde

3 commentaires sur “Nelson Mandela

  1. Vous parlez de victoire et de défaite : Mesurez un peu, les noirs, chez eux, on gagné le droit de s’asseoir dans les mêmes bus que les blancs colonisateurs… Faut-il être naïf ou malintentionné pour aller prétendre que c’était là le but de millions d’individus dépossédés de leurs terres, expulsés de leurs villages, bafoués dans leur dignités d’hommes, remis dans le servage et assassinés par grappes. Vous vous diluez dans les abstractions, mon cher Jean-Pierre.

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    1. Vous restez émilio, dans votre hargne revendicatrice et votre ressentiment, vous considérez que l’assouvissement de votre revanche ou de votre vengeance n’est que la justice.
      Cette autre démarche, que Nelson Mandela a soigneusement évitée, aurait mené au massacre et au chaos… mais vous ne voulez pas le savoir. Vous raisonnez comme si l’attitude et la politique que vous préconisez aurait été sans incidence pour la paix civile. Or ce n’est pas le cas, les Sud-Africains, les noirs particulièrement, savent parfaitement que la guerre civile les menaçait, ils savent parfaitement que dans le cadre d’une guerre civile leur sort aurait été bien pire que celui que vous dénoncez.
      Le choix n’est pas entre la justice idéale et l’injustice, mais entre une maîtrise de la violence qui pourra mener, progressivement, à une société plus juste, plus égalitaire, moins violente (mais ce n’est pas gagné !)… et une non-maîtrise de cette violence sous prétexte de justice, qui lâche les vannes de la violence qui emporte tout…
      Et de toutes façons, pour arriver à la justice que vous attendez, il aura fallu d’abord maîtriser cette violence : c’est ce que Mandela a fait.

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