L’assurance d’être secouru individuellement crée le sentiment de sécurité collective

 

Le sentiment individuel concourt au sentiment collectif. Si les individus ont le sentiment qu’ils pourront être sacrifiés à l’intérêt général, leur crainte se projettera vers l’ensemble du collectif, qui, à son tour, éprouvera cette crainte car chacun se demandera si le prochain sacrifié ne sera pas lui. Cette incertitude sera délétère…

Sécurité individuelle

L’assurance d’être secouru individuellement existe dans plusieurs domaines : par exemple, les secours sont mobilisés pour aller chercher des randonneurs ou des alpinistes pris dans la tempête, une avalanche, ou bien des naufragés en mer ; autre cas : quiconque a un accident est soigné. Dans le domaine de la santé, à peu près tout le monde est soigné, avec quelques difficultés, particulièrement pour les soins psychiatriques.

Cette situation ne va pas de soi, elle relève de choix politiques déterminés et volontaristes. On le voit bien quand on la compare à celle des États-Unis où Barack Obama a eu les plus grandes difficultés à faire adopter sa réforme de l’assurance santé.

L’assurance d’être secouru individuellement est une action qui s’adresse à chacun, quels que soient sa situation ou son statut, en dehors de toute appartenance.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est une proposition qui vient de loin :
Dans la parabole évangélique, il nous est dit que : « le berger laisse ses 99 brebis pour aller chercher la centième perdue… »
Il en abandonne donc 99 pour aller en chercher une ?

Non, la question n’est pas là.

En allant chercher la brebis perdue, le berger rassure les 99 autres qui savent ainsi qu’elles ne seront pas abandonnées.

La crainte d’être abandonné qui suscite la crainte d’être largué induit une compétition entre tous, aux dépens des plus faibles, chacun essayant de faire en sorte que ce soit l’autre qui soit largué plutôt que lui-même.

La logique de cette démarche est : se sauver soi, aux dépens de l’autre plus faible que soi.

La parabole évangélique, en secourant la brebis faible égarée, neutralise cette compétition délétère et instaure la logique inverse :

En secourant le plus faible au moment où il est le plus faible, elle pose comme base de la vie commune, le sauvetage et le respect de la vie de chacun, l’épanouissement de la vie commune par le respect de chacun, c’est à dire de chaque individu.
Tandis que dans la proposition précédente, c’est le groupe qui prime aux dépens des individus les plus faibles.

Sécurité collective

Le groupe est hiérarchique.
Cette hiérarchie s’établit par la compétition entre les individus, et l’élimination ou la soumission ou l’asservissement des individus les plus faibles.

Quand c’est le groupe qui prime, les individus sont sacrifiables.
Quand c’est l’individu qui prime, la société s’organise autour de lui, à partir de lui.

C’est une évolution anthropologique. A l’origine, les sociétés humaines étaient grégaires, les individus ne pouvaient exister ni survivre que dans et par le groupe : le bannissement était une peine de mort.
Plus les sociétés humaines se développent, et plus elles respectent les individus parce que le développement et l’épanouissement des individus constituent le développement de ces sociétés.

Mais il est un domaine essentiel où cette logique évangélique, individuelle, n’est pas mise en œuvre, c’est celui de l’emploi. C’est pourtant le domaine qui détermine tous les autres.
Nous avons un système qui donne une place centrale à l’individu… à la marge, mais pas au centre !
C’est le paradoxe de notre société. L’individu prime en droit, sur le plan de la santé, de la sécurité civile et de plus en plus, mais en ce qui concerne l’emploi qui est la base de la vie de l’individu, qui lui permet de s’intégrer dans la vie sociale, là c’est le groupe qui prime, en l’occurrence : l’entreprise, la structure employeuse, les différents statuts qui protègent, et dont sont exclus les plus faibles.
C’est que dans le domaine de l’emploi, la mise en œuvre de cette logique nécessite une restructuration du système social et de l’appareil productif, et cette restructuration n’est pas le prolongement de la structuration actuelle.

Il y a un saut conceptuel à faire, et avant de pouvoir le faire, il faut d’abord le concevoir.
Or, on est très loin du compte, aussi bien de la part du pouvoir actuel que de la part de toutes les oppositions, de la part de la recherche théorique et des corps intermédiaires.
Il n’y a pour l’instant rien à espérer, de quiconque.
L’intérêt grégaire triomphe de tous côtés aux dépens de l’intérêt collectif solidaire individuel et mutuel.

Jean-Pierre Bernajuzan

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