Et la femme cacha sa vulve…

 

rondeur piquante 110"'

L’idée de cette réflexion m’est venue de deux évènements qui se sont produits en même temps :

Le premier est une aventure qui est arrivée à un camarade de mon fils lors d’une soirée étudiante : Il drague une fille, belle, blonde je crois, gironde, et… c’était un mec !! Elle avait l’air d’une fille, mais il était un garçon. Il avait l’apparence d’une fille, mais son organe sexuel essentiel était celui d’un garçon.
Cet évènement m’a fait prendre conscience que je ne pensais jamais à la vulve des femmes, alors que pourtant c’est bien par leur vulve qu’elles sont femmes. Elles peuvent bien avoir tous les autres caractères secondaires de la féminité, si elles (!) ont un pénis, elles ne sont pas des femmes. Et moi qui me targue d’aller à l’essentiel, cet essentiel qui est que c’est par sa vulve qu’une femme est femme, m’échappe constamment ? Pour me rappeler que les femmes ont une vulve, j’avais affiché à l’époque une reproduction de «L’Origine du Monde» de Gustave Courbet, puisque je l’oubliais toujours…

Le second évènement est une interview de Pascal Pick, le paléo-anthropologue préhistorien, professeur au Collège de France : Il disait que la place importante qu’avaient prise les seins et le pénis venaient de la verticalité advenue de l’être humain. En se redressant, l’homme et la femme ont arboré leurs seins et leur pénis, alors qu’auparavant, dans la position quadrupède ou quadrumane, ils étaient relativement cachés, en tous cas ils ne s’arboraient pas.
Effectivement, la position verticale a complètement changé l’exposition des seins et du pénis… mais Pascal Pick ne parle pas de la vulve, ce n’était peut être pas le sujet de l’interview.
Pourtant le changement principal est là : avant que l’être humain ne se redresse, l’organe sexuel le plus important, le plus visible, était la vulve féminine ; voyez les guenons par exemple. La vulve a disparu, elle s’est cachée ; en adoptant la position verticale la femme a caché sa vulve.

Du point de vue sexuel, de la relation entre les sexes, et donc du processus d’hominisation, il me semble que c’est ce fait qui est le plus déterminant.

Il y a plusieurs questions qui se posent :

  • Pourquoi ne pense-t-on pas spontanément à sa vulve lorsqu’on rencontre une femme alors qu’elle nous intéresse en tant que femme ? Et pourquoi les caractères sexuels secondaires prennent-ils le pas sur le caractère essentiel ?
  • Quelle a été l’incidence de l’escamotage de la vulve dans le processus de l’hominisation, parallèlement à l’arboration des seins et pénis ?

À mon avis la réponse articule les deux types de questions.
Lorsque la vulve était apparente les mâles se focalisaient sur elle, surtout si elle changeait de couleur comme celle des guenons quand elles sont en chaleur, si bien que c’est la vulve qui constituait l’attraction sexuelle plutôt que la femelle elle-même avec son comportement. Lorsque la vulve s’escamote elle ne suscite plus la focalisation du mâle, tout en restant bien-sûr l’objectif final. Si la sexualité des pré-humains s’apparentait à celle des chimpanzés, les couples n’étaient pas constitués, la femelle était montée par de nombreux mâles, elle ne comptait pas en elle-même.
La femelle se mettant debout, les mâles n’ont plus affaire directement à sa vulve, pour l’atteindre ils ont dû la prendre en compte en entier et non-plus seulement son organe, pour qu’elle accepte de se mettre en position, alors qu’auparavant elle l’était toujours.
Dès lors que la femme est debout, que donc sa vulve n’est plus directement accessible, l’appréhension de sa féminitude ou de sa «femellitude» se fait par ses caractères sexuels secondaires. En conséquence la vulve devient évidente tout en restant cachée, et parce qu’elle reste cachée… et  les caractères sexuels secondaires deviennent l’expression la représentation de l’organe sexuel essentiel, ils prennent sa place. Les caractères secondaires expriment la féminitude en tension vers la vulve qu’ils représentent.
C’est pourquoi nous ne pensons plus à la vulve elle-même, en se cachant elle est devenue sous-entendue ; même pas, sous-pensée. C’est pourtant elle qui emplit l’imaginaire et le désir des mâles. Je me demande si ce n’est pas son occultation qui est le ressort de l’érotisme, qui est comme une façon de tourner autour du pot… Au cinéma les longues jambes expriment un érotisme très fort, et on les allonge encore avec des talons-hauts ; les longues jambes écartées forment une flèche qui désigne, la vulve. Mais la vulve cachée ! Cet érotisme ne fonctionne que si la vulve reste cachée.

C’est ce qui explique, il me semble, que l’on ne pense pas spontanément à la vulve des femmes lorsqu’on les rencontre ; c’est l’occultation de la vulve qui structure notre imaginaire, notre désir mâle et nos manœuvres d’approche et de séduction passent par les caractères secondaires.

Lorsque la femme s’est redressée et a caché sa vulve, l’homme, pour l’atteindre, a dû prendre en compte toute la «personne « de la femme, et non-plus seulement son organe : ce faisant on est passé d’une sexualité de groupe à une sexualité individualisée. En position quadrupède/quadrumane, la vulve était disponible pour tous les mâles, en position debout l’approche devient individualisée, choisie. La position verticale permet l’accouplement face à face : il en résulte la réciprocité du désir de la femelle et du mâle, de l’homme et de la femme.

J’ai le sentiment que cette réciprocité du désir est à la base du développement de la personnalité humaine, chacun se construisant dans le miroir asymétrique de leurs désirs réciproques.

Saint-Exupéry disait que «s’aimer c’est regarder ensemble dans la même direction» : pour regarder ensemble dans la même direction il faut s’aimer en levrette ! C’est donc une façon très archaïque de s’aimer ; je pense au contraire que s’aimer humainement, c’est reconnaître le désir de l’autre, se reconnaître dans le désir de l’autre, réciproquement en se regardant les yeux dans les yeux, face à face. Et l’on pourra regarder ensemble dans la même direction après cette première phase, cette même direction étant l’avenir.
C’est ainsi qu’à mon avis cette occultation de la vulve féminine a dû être un déterminant majeur de la construction de la personnalité humaine, beaucoup plus en tous cas que l’arboration des seins et du pénis.

Lorsqu’on rencontre une femme, non-seulement on ne pense pas à sa vulve, mais elle n’entre pas non-plus dans sa personnalité. Pour connaître une femme, on observe son visage, sa silhouette, sa voix, son comportement social, relationnel… mais sa vulve n’entre pas dans sa personnalité. Les quelques vulves que j’ai connues ne disaient strictement rien de la personnalité de leurs propriétaires. Mais alors pourquoi le visage, la silhouette ou la voix renseignent sur la personnalité d’une femme, et pas sa vulve ?

Il apparaît que ce sont les parties visibles du corps, visibles des autres donc, qui expriment, qui donnent à connaître la personnalité. Ces parties du corps, visibles des autres, servent à l’individu (la femme ici) à s’exprimer, à adresser des messages, à communiquer… la vulve étant cachée, elle n’y participe pas. On peut imaginer que si elle était visible, elle contribuerait aussi à la communication.
En conséquence cela signifie donc que la personnalité de chacun s’établit, se construit sous le regard des autres, – par – le regard des autres : ce regard des autres structure la personnalité de chacun, non-pas en le déterminant directement, mais en suscitant une réaction qui peut être d’acquiescement, de soumission, ou de résistance… mais déterminant tout de même. On comprend mieux pourquoi les femmes s’apprêtent tant : elles s’apprêtent sous le regard des autres, mais le regard valable des autres n’est pas celui des hommes qui n’y connaissent rien, mais celui des autres femmes qui sont expertes ; c’est pourquoi on retrouve des styles de beauté différents selon les aires collectives où ils sont partagés…

Ainsi donc, la vulve ne concourt pas à la personnalité de la femme, il n’est donc pas anormal qu’on l’oublie… à condition qu’elle soit bien présente. La vulve est générique, tandis que ce sont les caractères sexuels secondaires qui expriment la personnalité.

 

J’ai exprimé ici mon point de vue d’homme, de mâle ; il appartient aux femmes d’exprimer le leur.

Jean-Pierre Bernajuzan

2 commentaires sur “Et la femme cacha sa vulve…

  1. Pas une femme n’a osé laisser de commentaire ?
    Le sujet est pourtant bien intéressant.
    Je ne pense pas qu’il y ait un point de vue féminin universel, je vous donne simplement le mien (euh… dois-je prouver que j’ai une vulve ou m’acceptez vous comme femme a priori ?).
    D’abord, je ne sais pas si c’est la vulve qui fait la femme. Je dirais que les hormones féminines sont au moins aussi importantes. Et ce n’est pas la vulve qui les fabrique !
    Qu’est-ce qu’une femme, d’ailleurs ?…. trop vaste sujet, je passe.
    Je voulais surtout ajouter que, en ce qui me concerne, je ne trouve pas que le pénis ait une place si importante que ça, enfin oui, si on pense à toutes les expressions de domination et/ou d’insulte qui font référence à ses fonctions.
    Mais physiquement, je veux dire : le pénis n’est pas plus visible que la vulve la plupart du temps (c’est à dire en société non nudiste).
    En tout cas moi, fille à 100%, je ne pense pas du tout au pénis d’un homme quand je le vois, et ce même si je trouve cet homme très séduisant.
    Comme quoi on n’est pas si différents.
    Je n’ai pas fini de parcourir vos écrits, je pense que je vais m’y plaire.

    J’aime

  2. Bonjour Madame La Fée (Boby Lapointe),

    effectivement, il n’y a pas d’universalité féminine pas plus que masculine, et ce n’est pas la vulve en soi qui fait la femme pas que le pénis en soi ne fait l’homme, ni les hormones de l’une ou de l’autre.
    Non, ce qui fait la femme et l’homme c’est leur relation. C’est la nécessité de l’autre pour être soi en tant que femme ou homme.

    Ce qu’établit la sexualisation, pas la sexualité, c’est l’altérité.
    Et c’est cette altérité qui produit l’identité de chacun, homme ou femme, en correspondance l’un à l’autre : nous ne pouvons « être » QUE dans notre rapport à l’autre, et à l’autre autre. La nécessité de l’autre pour l’établissement de l’identité de chacun s’appuie sur la même nécessité pour la reproduction de l’espèce.
    On s’identifie en se reproduisant.

    Et les caractères sexuels respectifs, féminins et masculins, organisent la correspondance entre-eux. La sexualité de chacun-chacune est (à la base) la mise en œuvre de cette correspondance.

    La vulve et le pénis sont conçus pour se rencontrer, l’un ne pourrait exister sans l’autre.
    C’est cette rencontre entre les deux « autres » qui est l’essentiel, l’essence de l’humain : c’est donc dans cette rencontre que réside l’universalité.

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.